Vaisseaux fantômes et songes aqueux 




La programmation proposée pour l’édition 2015 du festival « Udensgabali / Waterpieces » explorera la dimension métaphorique et symbolique des bateaux et ports : seuils de nouveaux mondes, ils renvoient aux voyages, qu’ils soient réels ou intérieurs, aux départs, qu’ils emmènent ailleurs ou signent la fin d’une vie. Vecteur psychopompe par excellence, l’embarcation peut devenir vaisseau, voire vaisseau fantôme.

Les traversées des quelques vidéos sélectionnées évoquent l’exil, la recollection mémorielle, l’échec des utopies, l’abandon onirique ; elles nous perdent là où « l’eau et les rêves » se mêlent (pour reprendre le titre du célèbre ouvrage de Gaston Bachelard). Elles constituent, au propre, des plongées au sein d’univers mentaux. Elles jouent également de nos fantasmes, de nos croyances, où le navire conquérant, outil politique, s’abîme, s’échoue, laissant là nos certitudes et nos identités.

Il y est question de dérive physique, mais aussi psychique. La réclusion propre au navire – qui autorise à comparer le bateau, le sous-marin mais aussi la navette spatiale, à la prison – renvoie à la forclusion que l’on peut tous expérimenter, à des degrés divers. Et comme l’esprit réécrit à l’envi quand il se trouve en prise avec lui-même, les œuvres présentées dans Vaisseaux fantômes et songes aqueux construisent et déconstruisent des récits : récits personnels arrangés, récits collectifs mythifiés, etc. Ou bien font émerger, par la dissociation de l’image et du son, les distorsions de temporalités, les confrontations de sources utilisées, des voix jusqu’alors inaudibles et des paysages insoupçonnés.

À l’instar de L’Insurrection d’un songe d’Olwen Gaucher qui ouvre et referme la programmation, on naviguera entre deux eaux. Où la poésie côtoie l’absurdité, l’engagement, le lâcher-prise, la contrainte les glissements.


Programme (dans l’ordre) :

Olwen Gaucher (1978), L’Insurrection d’un songe, 2004
Vidéo (Super-8 transféré), couleurs, muet, 3 mn 26

Olwen Gaucher (1978), Disaster, 2008
Vidéo, couleurs, sonore, 3 mn 50 sec

Laura Gozlan (1979), Farewell Settler, 2013
Film, 15 mn 02 sec

Clément Cogitore (1983), Un archipel, 2011
Vidéo PAL, couleurs, sonore, 11 mn

Marion Mahu (1978), Flying dutchman, 2006
Vidéo, couleurs, sonore, 2 mn 28 sec

Dania Reymond (1982), Greenland Unrealized, 2012
Vidéo, couleur, sonore, 10 mn

Thomas Daveluy (1987), À l’ouest des rails, 2010
Vidéo HD, couleurs, sonore, 3 mn

Gwenn Mérel (1987), Limerick-Groix, 2011
Vidéo, couleur, sonore, 3 mn 26 sec

Antoine Miserey (1978), Encre. Portrait d’une absence, 2012
Vidéo, couleur, N&B, diaporama, chaine de montage numérique, 3 mn 18 sec

Salma Cheddadi (1984), Der See, 2014
Vidéo HD, couleurs, sonore, 9 mn

Olwen Gaucher (1978), L’Insurrection d’un songe, 2004
Vidéo (Super-8 transféré), couleurs, muet, 3 mn 26



Skinny dip uncensory
Performance de Laura Gozlan

Invitée dans le cadre de Vaisseaux fantômes et songes aqueux (commissariat : Marie Cantos) où sera projeté son film Farewell Settler, l’artiste Laura Gozlan (1979) nous fait plonger plus profondément encore dans les eaux troubles de la psyché humaine et de la manipulation mentale.

Elle propose en effet une performance inédite qui, tout en s’inscrivant dans la lignée de ses recherches, se saisit des problématiques esquissées dans la programmation vidéo pour en déplier un des aspects peut-être parmi les plus dérangeants. Il y sera notamment question de « noyade psychique » telle qu’elle était pratiquée dans certains black programs américains des années 1950-1970 (type : Projet MK Ultra).

Sur grand écran, un montage de vidéos et de films (« found footages »). Sur scène, devant l’écran, un « intermédiaire physique », incarné par l’artiste elle-même, lit différents extraits de textes (fictions et essais). Dans l’espace, l’image vient se morceler, se disperser : une fragmentation accompagnant celle des sources convoquées, qu’elles soient textuelles, sonores ou filmiques, mais aussi celle de l’esprit, de ses associations et dissociations.

Quelque chose de la psychanalyse autant que de la prise de drogue.

Une expérience immersive à la mesure des fantasmes paranoïaques de l’époque.


Marie Cantos, juin 2015