Architextures de paysage




Au Château d’Oiron, PA | Plateforme de création contemporaine propose le premier déploiement d’envergure de son cycle thématique intitulé Architextures de paysage. Il s’inscrit dans la continuité des réflexions amorcées, entre autres, avec Creuser son sillon, réalisé pour l’édition 2015 du salon SOON à Paris. À travers ce cycle d’expositions, l’association souhaite y interroger deux champs d’intérêt importants et récurrents dans sa programmation : l’exploration des phénomènes mnésiques d’une part, et la relation au paysage et à l’architecture d’autre part.

Toute activité humaine génère des lignes : des fils et des traces, distingue l’anthropologue anglais Tim Ingold, dans son ouvrage Une brève histoire des lignes, qui peuvent devenir des motifs, certes, mais également des surfaces, pour créer du « tissu urbain », du « maillage de territoire ». Toute une texture du paysage qui ne relève pas seulement de ses caractéristiques géographiques mais bien de la manière dont on le regarde, l’habite, se le représente, se le remémore. Toute une « architexture » du paysage, pour emprunter au sociologue, géographe et philosophe français Henri Lefebvre (1901-1991) le néologisme du titre proposé pour ce cycle d’expositions.

À travers leurs œuvres – dessins, vidéos, sculptures, installations, performances –, les artistes présenté-e-s dans Architextures de paysage convoquent tour à tour un certain nombre d’éléments qui constituent un paysage (la lumière, la ligne d’horizon, les éléments naturels ou architecturaux, la foule de signes qui s’y inscrivent, etc.) qu’ils-elles confrontent aux expériences personnelles – donc souvent antagonistes – que l’on peut en faire : parcours spatiotemporel, distorsions perceptives, différences culturelles, etc.

Ou comment rendre compte, de manières radicalement différentes, du feuilletage propre au paysage, lequel sédimente jusqu’à ne faire plus qu’une seule et même peau (une seule et même texture), les trois types d’espace énoncés par Henri Lefebvre dans son ouvrage La Production de l’espace (1974) : l’espace perçu, l’espace conçu et l’espace vécu. Et de cette confrontation, quelques traces indicielles de leur appréhension du monde. Des traces indicielles à déchiffrer : car la texture du paysage se lit. Comme un texte, dont elle partage l’étymologie : le terme provenant en effet du latin textus, participe passé du verbe texere, soit « tisser » ou « tramer ». Comme se lisent les paysages de l’artiste américain Ed Ruscha (1937), par exemple.

Dans les salles du Château d’Oiron, chargées d’histoire et d’une collection qu’on ne présente plus, Dove Allouche, Mélanie Berger, Blanca Casas Brullet, Vincent Chenut, Guillaume Constantin, Isabelle Ferreira, Julie C. Fortier, Marie-Jeanne Hoffner, Ali Tnani et Rémi Uchéda esquisseront des paysages imaginaires, oniriques ou inquiétants, des cartographies d’espaces traversés par le souvenir et le sentimentalisme, des expériences visuelles parfois immersives où le vernaculaire côtoiera l’anecdote. Avec les affects pour reliefs et constructions.


Marie Cantos & Maryline Robalo (PA | Plateforme de création contemporaine), décembre 2016